[Cinéma] Les Trois Frères - Le Retour

Publié le par Radus

Presque vingt ans. Cela faisait presque vingt ans que Les Inconnus, groupe d’humoristes culte s’il en est, n’avait pu se présenter sous ce nom – si l’on excepte l’oubliable parenthèse des Rois Mages. Et pour fêter dignement leur retour aux affaires, le trio Bourdon-Campan-Légitimus décidait de revenir non pas par la petite lucarne mais par le grand écran, en offrant une suite aux Trois Frères (qui leur avait valu un César en son temps). Le résultat allait-il être meilleur que Dix-huit ans après, suite un peu moisie de Trois hommes et un couffin et seul vrai exemple de ce genre de démarche dans notre cinéma hexagonal (en attendant Les Visiteurs 3) ?

 

Les 3 freres 2Que ce fut long, ces vingt ans sans Les Inconnus, qui en ont profité pour faire des carrières solo plutôt sympathiques : Bourdon a bourlingué au théâtre avec La Cage aux Folles, au cinéma avec Le Pari ou Sept ans de mariage et en télé, avec notamment le très bon 15 jours ailleurs ; Campan s'est fait remarquer dans Le Cœur des hommes et plusieurs films de Zabou Breitman ; Légitimus dans plusieurs séries TV et en tant que metteur en scène pour Elie et Dieudo (bon, on s’en serait passés), Anthony Kavanagh (foutrement mieux) ou Laurent Ruquier (c’est déjà beaucoup moins bien). Rares sont en effet les humoristes à avoir autant marqué leur génération. Le trio, durant son aventure télé, a en effet réussi à créer un nombre hallucinant de sketches aujourd’hui cultes et, marque des bons, toujours d’actualité (comme peuvent toujours l’être la plupart des pitreries de Coluche, par exemple). Il en va de même pour leur premier film, Les Trois Frères, d’une drôlerie et d’une efficacité intactes presque deux décennies plus tard. Un sac dans lequel on peut glisser Le Pari, qui s’il ne réunit que Campan et Bourdon, « pue » les Inconnus à dix kilomètres à la ronde. On ne peut cependant pas en dire autant des Rois Mages, leur premier « come-back », qui s’il a quelques moments amusants pour lui, est souvent trop maladroit.  Le retour a néanmoins été savamment orchestré, avec mise à disposition gratuite de tous les sketches sur Internet, tournée des plateaux de télé, émissions-hommages et autres collaborations avec Palmashow (allez donc voir, c’est pas mal) ou Norman (c’est déjà beaucoup moins intéressant). Donc, Les Trois Frère – Le Retour, ça donne quoi ?

 

Les affaires ne vont pas fort pour les frères Latour. Didier, toujours mythomane au dernier degré et en concubinage avec une vieille fille bientôt (il l’espère) héritière, prétend être enseignant  de philosophie dans un grand lycée parisien alors qu’il vend des sextoys depuis sa voiture ; Bernard peine toujours à faire décoller sa carrière d’humoriste-acteur, son seul fait d’armes étant une publicité vantant les mérites de la dernière pâtée pour chiens à la mode ; enfin, Pascal est le coach en feng shui/amant d’une rentière nymphomane. Car c’est bel et bien toujours ce qui cloche avec les Latour : Pascal, comme ses frères, espère encore acquérir une situation financière stable. A leur grand déplaisir, ils sont tous trois conviés au retour en France des cendres de leur mère, et apprennent par la même occasion qu’ils doivent quelques 5000€ à la maison de disques de cette dernière. Ce qui va marquer le début des ennuis pour ces éternels fauchés, problèmes qui vont encore s’aggraver quand Sarah, la fille adolescente de Bernard, va entrer dans l’équation et proposer à ces trois « bouffons » ses solutions pour récupérer de l’argent, ou quand ils vont reprendre contact avec Michaël, le fils de Didier…

 

Que j’aimerais dire du bien de ce film. En regardant de près, tout n’est pas à jeter : il y a des gags qui font mouche, on est indéniablement content de retrouver ces trois lurons ensemble et les seconds rôles, le notaire et la fille de Bernard en tête, s’en tirent bien. Autre point pour lui, il est clairement plus réussi que son concurrent le plus frontal Supercondriaque, puisque contrairement au dernier Dany Boon, il arrive à faire rire (il faudra d’ailleurs un jour expliquer à ce mec que grimacer et hurler comme un abruti, ce n’est pas drôle). Mais à côté de ces quelques points positifs, que de déceptions ! Le scénario, tout d’abord, est d’une paresse impossible. On a en effet souvent l’impression de regarder une sorte de version dérivée du premier film. Les ressorts sont les mêmes, mais en moins bien huilés : réunion, inimitié entre les frères, effondrement de leurs situations puis sorte de road trip avec le rejeton nouvellement découvert et combines pour ramasser de l’argent. Même le passage sous drogue est ici repris. Et si créer des parallèles entre des films d’une même série peut avoir son intérêt (regardez donc Star Wars ou, en moins bon, les trilogies du Seigneur des Anneaux), cela passe mal dans une comédie puisque ce sont ici les situations comiques qui se répètent, et malheureusement avec moins d’inspiration. L’inspiration, voilà bien le deuxième souci. Outre les redondances, non seulement avec les Trois Frères mais aussi avec Le Pari (dont la scène de diner mondain est reprise, en moins réussie) et les Rois Mages, on a l’impression que les petits gars ont eu un peu de mal à traiter certains de leurs sujets. Le choc des générations est assez moyen et certaines situations qui lui sont associées semblent involontairement ringardes ; le sujet de la télé-réalité, annoncé, teasé, presque hypé, n’est au final pas traité ; enfin, plus génant, certains moments mettent presque mal à l’aise comme ce Didier lâchant à un banquier « Faut que je demande de l’argent en mode rom ou quoi ? » et se lançant dans une imitation peu reluisante. Autant de maladresses qui viennent certainement toutes du même endroit : le temps d’écriture.

 

En effet, même s’il était régulièrement annoncé comme en écriture depuis plusieurs années par Légitimus, ce scénario donne l’impression d’avoir été fait un peu vite, ne laissant pas le temps à ses auteurs de plus creuser leurs sujets et, surtout, donnant cette fois une assez mauvaise image de leurs personnages. Les Latour nous semblent de fait bien antipathiques tout au long du film, notamment Didier qui voit ses travers du premier long-métrage exagérés au point de passer de la catégorie « parasite » au très fermé club des « vrais connards ». Une dérive qui tente de se justifier par la fameuse Sabrina, dont les trois frangins ont partagé la vie et qui, en les repoussant l’un après l’autre, a empêché une mise en ordre de leurs vies. Mais on aurait préféré quelque chose de plus étoffé : un Didier n’ayant pas réussi à recoller les morceaux avec la mère de Michael et un Pascal ayant échoué dans ses tentatives de se reconstruire à cause de sa couleur de peau. Les pistes étaient nombreuses pour rendre ce film un peu moins artificiel à défaut d'être hilarant. Dommage, c'est un peu raté et laisse le titre de meilleure comédie de début 2014 au Crocodile du Botswanga. Sans rancune, les gars. On vous attend pour votre vrai grand retour, sur les planches ou, pourquoi pas, sur le web ?

Publié dans Cinéma-Série

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