[Test] Doctor Who - The Adventure Games

Publié le par Radus

Monument de la fiction anglaise (la série en est à quelque chose comme trente saisons à l’antenne) divisé en deux grosses périodes (de 1963 à 1989 puis de 2005 à nos jours), Doctor Who n’avait pas connu d’adaptations vidéoludiques dignes de ce nom. Il aura fallu que le fameux alien originaire de Gallifrey en soit à sa onzième incarnation (oui, le bonhomme est plus ou moins immortel et se régénère sous une nouvelle forme au lieu de crever comme un blaireau quand il absorbe des doses de radiations pharaoniques ou se fait bêtement tirer dessus par le premier coupe-jarret venu) pour que ses aventures soient déclinées en jeux vidéo. Et comme souvent, c’est sur PC que c’est bon : si les joueurs britanniques ont pu joyeusement découvrir les immondes bousasses que sont Evacuation Earth sur DS et Return to Earth sur Wii, ils ont aussi pu récupérer gratuitement Doctor Who – The Adventure Games sur ordinateur et Mac.

 

DoctorWho_Pc-2011-12-03-21-56-11-45.jpgApparu en 1963 sur les écrans britanniques, la série Doctor Who a très vite été élevée au rang d’institution par nos amis d’Outre-Manche. Un succès énorme dont nous n’avons d’ailleurs pas profité à l’époque, nos aliens nationaux, les frères Bogdanoff, n’ayant tenté de le lancer dans Temps X qu’au moment de la déprogrammation du show au Royaume de Sa Gracieuse Majesté. Il nous aura fallu attendre le retour de la série en 2005 pour découvrir le Docteur. Cet extra-terrestre originaire de la planète Gallifrey, qui se fait simplement appeler par le titre de Docteur (il n’a révélé son vrai nom qu’à une seule personne en plus de vingt-cinq ans, et c’était hors-caméra…) nous est alors apparu dans son occupation favorite : voyager à travers le Temps et l’Espace à bord du TARDIS, son vaisseau dont le camouflage est bloqué sur l’apparence d’une Police Call Box, les cabines d’appel d’urgence-prison de l’Angleterre des années 1960, le plus souvent accompagné de compagnons ou compagnes humains. Ces derniers pouvaient alors découvrir des planètes éloignées ou des versions passées et futures de la Terre, le tout en affrontant des menaces aliens multiples et aujourd’hui cultes, comme les Daleks ou les Smilers. Le happy end de mise (la série est destinée au public le plus large) est néanmoins parfois troublé par un évènement important : la régénération du Docteur. Ce dernier, même s’il est âgé de plus de neuf cents ans, n’est en effet pas physiquement immortel, et est régulièrement amené à changer de corps. Un changement d’apparence (et souvent de personnalité) qui se traduit à l’écran par un changement d’acteur, le dernier en date étant le passage de l’excellent David Tennant à Matt Smith, qui nous offre depuis deux ans un Docteur plus cabot et alien (un truc à mi-chemin entre « freak » et « weird ») que son illustre prédécesseur. C’est cette même vision qui nous est présentée dans Doctor Who – The Adventure Games.

 

photo.PNGNous y retrouvons en effet le Docteur dans quatre histoires originales de qualité variable. Dans City of the Daleks, le Docteur et sa compagne Amy (campée à l’écran par Karen Gillan) découvrent une Londres de 1963 (« une très bonne année » dixit le Docteur) dévastée par les Daleks, ennemis jurés du Seigneur du Temps. Notre ami au nœud papillon doit donc trouver un moyen de contrer les effets de l’action de ses adversaires, ces derniers ayant éliminé sous ses yeux le dernier être humain. Le second épisode, Blood of the Cybermen, envoie nos deux larrons en Antarctique, où ils doivent porter secours à une équipe de scientifiques qui a réveillé des Cybermen prisonniers de la glace depuis des centaines d’années (on appréciera le clin d’œil à Alien) et ont été transformés en esclaves robotiques. Le troisième scénario, baptisé TARDIS, met en avant Amy qui doit aider le Docteur à réintégrer le vaisseau après que celui-ci ait été éjecté suite à un choc.  Malheureusement, la jeune Ecossaise va malencontreusement réveiller un vieil ennemi qui était prisonnier du Seigneur du Temps. Enfin, Shadows of the Vashta Nerada – qui suit directement TARDIS – nous envoie sur une base sous-marine rappelant étrangement Rapture (Bioshock) qui est sous la double menace d’un requin géant alien et de petits parasites attaquant dans l’ombre, les Vashta Nerada. Des aventures qui, si elles se révèlent plaisantes à découvrir scénaristiquement parlant, sont de qualité trop inégale. Ainsi, si City of the Daleks a le mérite de jeter les bases de ce que sera le jeu, à savoir une alternance entre phases de recherche et de dialogues, séquences d’infiltration et petits puzzles sous forme de mini-jeux, on a déjà une impression de redondance sur Blood of the Cybermen, qui n’introduit quasiment rien de nouveau, tant au niveau intrigue que mécanique de jeu (à la décharge des designers et de Phil Ford, le scénariste, on peut signaler que ce second épisode est paru le même mois que le premier). On est même tenté de croire à un réel essoufflement en découvrant TARDIS. L’histoire proposée par James Moran n’est pas inintéressante en soi, mais le fait que l’action se déroule exclusivement dans le vaisseau du Docteur réduit le plaisir éprouvé, même si quelques features (la salle d’étude du Docteur, plus vus depuis le téléfilm de 1996 et pleine à craquer d’objets glanés par le Seigneur du Temps depuis la création de la série, ou le fait de devoir démarrer le TARDIS en actionnant diverses manettes) pourront ravir les fans. Fort heureusement, le jeu est rattrapé par le quatrième épisode. Phil Ford, de retour à l’écriture, nous présente en effet une aventure riche et sympathique qui, sans révolutionner le gameplay, introduit assez de variations (tenter de rester dans la lumière dans les zones infestées de Vashta Nerada ou possibilité d’éliminer les ennemis lors des phases d’infiltration) pour faire souffler un vent de fraicheur sur le jeu. Un vent qui vient aussi du design de l’épisode, bien plus réussi et abouti que celui des trois premiers, et de la durée de vie un peu poussée de la chose, soixante-quinze minutes étant nécessaires à la résolution du cas alors que chacune des trois autres aventures nécessitait à peine une heure de jeu. Certes, cela reste court, mais n’oublions pas que nous sommes sur un jeu totalement gratuit. Cette dernière aventure se pose donc comme l’exemple à suivre, et semble mettre fin aux tâtonnements de Phil Ford et du studio Sumo Digital, le premier volet de la deuxième saison, The Gunpowder Plot, étant tout aussi abouti sur ce que j’en ai vu. Mais comment se fait la progression, me direz-vous ?

 

photo-2-.PNGLa découverte de ces quatre histoires se fera via un point’n click assez proche de ce que peut proposer Telltale Games, à savoir un jeu à la troisième personne dans lequel les objets avec lesquels il est possible d’interagir « scintillent » quand on s’en approche. Une façon comme une autre de ne pas perdre le joueur, même si l’architecture des niveaux en eux-mêmes ne laisse que peu de place à l’égarement (à part peut-être la base de Shadows of the Vashta Nerada). Le tout donne une progression assez linéaire, qui plus est « cassée » dans son élan par des mini-jeux fréquents et finalement assez redondants (guider une pièce dans un labyrinthe aux « murs » électrifiés, relier des points de même couleur sur un tableau sans que les fils se croisent,…). Une progression un peu hachée qui est en plus parasitée par une prise en main décevante. Le jeu, qui peut parfaitement être joué avec seulement une souris à trois boutons (clic gauche, clic droit, molette), a en effet une façon de retranscrire les commandes assez capricieuse. La caméra, par exemple, sera parfois trop sensible, faisant tourner le Docteur en rond, et parfois trop lente, nous faisant buter contre des murs en pleine course, ce qui pourra s’avérer particulièrement fâcheux dans les séquences d’infiltration, même si les ennemis ont l’intelligence d’un bulot cuit. Une IA aux fraises qui passe encore pour certains ennemis (les esclaves des Cybermen ou les sbires des Vashta Nerada), mais qui sied assez mal aux Daleks, tueurs intelligents et obstinés dans la série. De plus, si le jeu présente quelques phases de dialogues, les multiples choix qui y sont présents ne sont là que pour faire joli, la conversation se terminant toujours de la même façon. On pourra également déplorer qu’Amy, qui est jouable dans chacun des épisodes, se dirige exactement comme le Docteur si l’on excepte le fait que ce dernier peut utiliser son fameux Tournevis Sonique pour forcer les codes de sécurité d’une porte ou activer un interrupteur. Enfin, la dernière grosse frustration pour le fan concerne l’aspect technique et artistique du jeu. Le moteur utilisé est en effet bien vieillot  et le rendu final est bien inférieur à ce que propose Telltale dans le même genre. Les personnages principaux, par exemple, s’ils sont parfaitement reconnaissables, sont loin d’être modélisés à la perfection, notamment la pauvre Amy/Karen Gillan, bien moins « réussie » que ce brave Docteur/Matt Smith. Et encore, la fameuse crinière de celui-ci a un aspect plus que bizarre et dépassé. Le design par ailleurs très quelconque (on traverse les classiques tunnels souterrains abandonnés et bases désaffectées ou en ruines) n’aide pas le titre à se démarquer. Seuls les troisième et quatrième épisodes paraissent plus inspirés, avec un intérieur du TARDIS vilain mais fidèle (et la présence de la fameuse salle d’étude) et une base sous-marine offrant parfois de jolies nuances et des panoramas sympathiques. L’animation s’en tire un peu mieux, sans atteindre des sommets. Les personnages paraissent en effet assez rigides en phase de jeu, même si les cinématiques permettent de profiter de la gestuelle si particulière du onzième Docteur, plutôt bien reproduite pour l’occasion.

 

DoctorWho_Pc-2011-12-03-22-18-14-04.jpgPar quel aspect cette adaptation brille-t-elle, alors ? Incontestablement par son ambiance. On retrouve en effet une atmosphère familière si l’on aime les aventures du Docteur. Mélange de science-fiction, de merveilleux et d’humour plus ou moins so british, les épisodes présentent une construction assez proche de celle que pourraient avoir des épisodes de la série. Cette ambiance, qui passe par la fidélité du bestiaire ou des situations, passe aussi par la performance des acteurs doublant les personnages. Le jeu étant proposé par la BBC, il est normal que l’on retrouve Matt Smith et Karen Gillan dans leurs propres rôles, et il faut bien avouer que ce duo apporte son sel à cette adaptation. Sans être tordants, les dialogues entre les deux protagonistes sont assez bien fichus et retranscrivent bien la relation qu’ils ont dans la série. Mention spéciale à Matt Smith, qui arrive à cabotiner presqu’autant que quand il joue le Docteur, et aux animateurs, qui ont réussi à recréer les mimiques gestuelles du garçon. On peut également saluer la performance des autres acteurs ayant participé, comme le doubleur des Daleks (le même que celui de la série) qui nous livre des « EXTERMINATE ! » toujours aussi flippants, ou ceux des divers PNJ, campés par des personnes ayant déjà eu un rôle dans des épisodes vidéo ou audio de Doctor Who. On pourra éventuellement chipoter sur la qualité des enregistrements vocaux, qui semble parfois fluctuante (on entend assez clairement que certains quasi-monologues du Docteur ont été enregistrés en plusieurs sessions) ou le fait que tous les dialogues ne soient pas doublés, mais cela serait justement du chipotage. Il est d’ailleurs à signaler que, une nouvelle fois, Shadows of the Vashta Nerada est l’épisode le plus abouti à ce niveau, l’écriture semblant mieux maitrisée et mettant plus en valeur les traits d’humour, et les défauts techniques étant bien moins perceptibles. Cette ambiance fidèle, encore renforcée par la présence de musiques issues des BO de la série, se transforme même en fan-service à certains moments. On aura ainsi le plaisir de voir défiler une recréation numérique du générique de la saison 5 de la série (malheureusement moins joli que l’original) ou celui de redécouvrir la salle d’étude du Docteur déjà mentionnée. On y trouvera ainsi des objets emblématiques du show, comme le fameux œil des machines dans lesquelles s’enferment les Daleks, l’écharpe du quatrième Docteur ou le sceptre des Seigneurs du Temps. Le troisième épisode nous offrira également un petit quizz sur l’univers du Docteur, ce qui ravira les accros de la première heure (et posera quelques problèmes à ceux qui, comme nous autres pauvres Français, découvrent la série sur le tard). Enfin, on signalera que les épisodes peuvent être reparcourus pour dénicher des cartes de collection qui se répartissent en plusieurs catégories : les incarnations du Docteur, ses compagnons de voyage, ses amis, ses ennemis et les différentes figurines collectionnées par l’un des Docteurs.

 

Au final, ce Doctor Who – The Adventure Games laisse une bonne impression au fan. Pas bien beau, handicapé par une jouabilité un peu lourdingue et des animations rigides, le titre parvient tout de même à nous entrainer dans ces quatre aventures. On pourra déplorer le fait que les intrigues soient de qualité assez inégale ou la version anglaise intégrale (avait-on seulement besoin de préciser ce détail ?), mais l’ambiance qui se dégage du tout est bien assez fidèle et portée sur le fan-service pour que l’amateur se plaise à parcourir le soft. Le final « en apothéose » sur Shadows of the Vashta Nerada fait que, finalement, on reste sur une très bonne note et, surtout, on en redemande.

 

Points positifs

Points négatifs

- Les histoires originales ;

- Visuellement dépassé ;

- L’ambiance bien retranscrite ;

- L’épisode TARDIS, assez peu inspiré ;

- L’humour ;

- La durée de vie ;

- La bande-son dans son ensemble ;

- La jouabilité parfois défaillante.

- C’est gratuit !

 

Publié dans Tests-Preveiws

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